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entretenez-vous de moi sous vos tonnelles ? Voici l’heure où ma mère se repose à l’ombre de son petit jardin ; je suis bien sûr qu’elle rêve de moi en arrosant ses fleurs ; peut-être dit-elle mon nom à sa petite fille. Ô ma mère ! si je vous écris moins souvent, c’est ce dur métier de pamphlétaire qui en est la cause ; mais, soyez tranquille, je n’attendrai point pour vous revoir, que l’hiver ait mis entre nous ses neiges. Quand le ciel commencera à blanchir, que ces arbres se teindront de jaune, qu’un plus pale sourire sera venu aux lèvres de l’automne, j’irai m’asseoir à votre foyer et rajeunir ma poitrine à cet air que vous respirez. Ces beaux chemins où j’ai tant rêvé, tant fait de vers perdus comme le chant dans l’espace, je veux me promener encore entre leurs grandes haies pleines déjà de pourpre et d’or et toutes brodées de clochettes blanches ! et ce sera pour la dernière fois peut-être…


« Je veux encore écouter les flots amis de ma rivière de Beuvron, et les écouler long-temps. L’eau qui mord par le pied mon vieux saule de la Petite-Vanne l’a-t-elle renversé ? a-t-il encore à ses racines beaucoup de mousse et de petites fleurs bleues ? Je veux encore passer une heure sous son ombre, contemplant tantôt ces noirs rubans d’hirondelles qui flottent dans les deux, tantôt ces longues traînées de feuilles jaunes qui s’en vont tristement au courant de l’eau comme un convoi qui passe, et tantôt aussi ces pâles veilleuses, tant redoutées des jeunes filles, et qui sortent de terre semblables à la flamme de la lampe qu’il leur faudra bientôt allumer. Ces images de deuil plaisent à mon âme : elles la remplissent d’une tristesse douce et presque souriante. Je me représente l’année comme une femme phtisique qui, sortant d’une fête, dépouille lentement et une à une les parures dont elle était revêtue, pour se mettre dans son cercueil. Mais adieu, ma mère ! adieu mon vieux Clamecy ! on m’appelle ; je