peut-être pas mettre leur nom au bas de mes pamphlets. En sortant du toit paternel, je n’avais pas même de profession. Je suis tombé dans ce monde comme une feuille secouée d’un arbre et que les vents orageux roulent le long des chemins. Cependant, je n’ai point perdu courage ; j’ai toujours espéré que de l’aile de quelque oiseau traversant les airs il tomberait une plume que je ramasserais et qui pourrait aller à mes doigts, et mon espérance n’a pas été trompée. Le riche est une plante qui sort de terre toute vêtue de feuilles et toute parée de fleurs. Moi, j’étais un pauvre grain jeté au milieu des épines ; j’ai soulevé de ma tête déchirée les fétus acérés qui pesaient sur moi, et je suis arrivé au soleil. Pourquoi donc ces humbles tiges que je laisse sur mes racines ne pousseraient-elles point ainsi que j’ai poussé ? Au lieu de me vendre aux puissants, j’ai fait la guerre à ceux qui se vendaient à eux ; je ne m’en repens point. C’est encore, je crois, le meilleur chemin pour arriver à une tombe honorée. J’en suis tellement convaincu, que si cette plume de pamphlétaire, que tant bien que mal j’ai portée, repoussait sur ma fosse, et que mon fils eût les doigts assez forts pour la conduire, je l’engagerais à s’en emparer, dût-il trouver une prison au milieu de sa route ! Pouvoir se dire : « L’oppresseur me craint et l’opprimé espère en moi, » voilà la plus belle des richesses, la richesse pour laquelle je donnerais toutes les autres !
« Et que me servirait-il, à moi, d’être, comme ces messieurs, un des gros bourgeois de ma petite ville ? Le bel honneur d’être la plus grosse allumette de sa botte, le plus gros grain d’une poignée de graines de moutarde !… Je ne suis pas de ceux qui, n’étant que de petits morceaux de verre, veulent briller comme des diamants. Je ne sais point marcher sur des échasses, et, pour être plus haut que les autres, je ne veux point monter sur un tas d’immondices. Si j’étais fier, il faudrait