bons au foin, et qui fournissent à nos déjeuners un excellent mets.
« Si vous faisiez appel à mes sentiments paternels, je vous répondrais que j’aime bien mes enfants, mais que je ne veux pas vendre ma conscience pour les enrichir. Je ne les ai point, d’ailleurs, faits pour être riches ; je serais mortifié qu’ils le devinssent. Ils sont nés dans un berceau de saule : il serait mal séant qu’ils mourussent sur une couchette d’acajou. Nous autres, les Tillier, nous sommes de ce bois dur et noueux dont sont faits les pauvres. Mes deux grands-pères étaient pauvres, mon père était pauvre, moi je suis pauvre : il ne faut pas que mes enfants dérogent. Avec trois mille francs on peut vivre. Mon fils gagnera probablement moins ; mais s’il se permettait de gagner davantage, je reviendrais, ombre irritée, épancher ses sacs d’écus par les fenêtres.
« Ne me dites point que je fais ici du paradoxe ! je vous répondrais que cet homme empoissé qui raccommode des vieux souliers au coin d’une borne, et que vous regardez comme un être immonde, gagne sa vie plus honorablement et plus innocemment que le plus haut empanaché de nos grands seigneurs et le plus riche de nos financiers.
« Et d’ailleurs, pourquoi m’inquiéterais-je donc tant de mes enfants ? Quand mon dernier accès de toux sera venu et que j’aurai rendu à Dieu ma plume avec mon ame, est-ce que le soleil s’éteindra ? est-ce que la terre cessera de se couvrir de verdure ? Le père de tous, qui donne leur pâture aux petits des oiseaux, la refusera-t-il aux petits du pamphlétaire ? Le papillon ne trouve-t-il point au calice des fleurs de la poussière à sucer, comme l’oiseau vorace des hautes cimes trouve des chairs palpitantes à dépecer et du sang chaud à boire ?
« Mes parents ne m’ont rien donné, à moi, et je leur en suis reconnaissant ; s’ils m’avaient donné beaucoup, je n’oserais