Je connais bien des riches qui n’ont pas le même avantage. C’est un luxe dont je suis fier, et qui, Dieu merci, ne m’a jamais manqué. J’aime mieux cela, du reste, que d’acheter des cachemires à ma femme. Or, à qui vit ainsi et ne veut pas vivre mieux, à quoi servirait-il d’être un nabab ? Quand j’aurais dix fois plus d’argent, quand chaque ligne mercenaire tracée par ma plume se couvrirait d’une poussière d’or, que ferais-je de cette richesse ?
« — Ce que vous en feriez ? dit mon petit magistrat ; vous feriez comme M. Dupin : quand l’occasion s’en présenterait, vous achèteriez à bas prix de belles et bonnes propriétés qui vous produiraient de belles et bonnes rentes. Celui qui possède un arpent de terrain est plus roi dans ses domaines que Louis-Philippe ne l’est en France.
« — Des propriétés, malheureux petit magistrat ! Mais vous ne savez donc pas ce que c’est que des propriétés ? Si j’avais des propriétés, je serais l’homme le plus embarrassé du globe, et mes métayers me feraient mourir de chagrin. Jamais je ne pourrais porter cette longue queue d’affaires que tout propriétaire traîne après lui. J’ai à Fiez, commune de Saint-Pierre-du-Mont, un méchant pré que je n’ai point acheté, je vous prie de le croire, mais qui me vient de ma femme. Il me rapporte, à moi, tous les ans, dix écus et une paire de poulets ou de canards, ad libitum, et il rapporte au fisc six francs et des centimes de contributions, sans compter les avertissements avec frais et les commandements. Si notre petit magistrat voulait m’en débarrasser, en me Tachetant, bien entendu, je le tiendrais pour le plus grand homme du monde. Il pourrait s’adresser, pour les conditions, à Me Bouquerot, notaire à Clamecy, ou bien à l’huissier Gervais. Au cas où il n’aurait encore ni chevaux, ni voiture, la récolte dudit pré pourrait lui servir à assaisonner ces jambons que nous appelons jam-