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ils aident à mettre en lambeaux votre pacte social ; quand ils tiennent la Nation à bras-le-corps tandis qu’on lui rive aux jambes des entraves, on les récompense par d’honorables emplois et par des sacs pleins d’argent. Mais, quelle règle avez-vous donc pour apprécier les actions humaines ? Lorsque la trahison, au lieu d’un hausse-col, a un jabot ; qu’elle porte, au lieu d’épée au côté, une plume derrière l’oreille, elle cesse donc d’être trahison ? elle n’est donc plus un crime ? en changeant d’habit, elle est donc devenue vertu ? Quelques pierres moisies retranchées de vos frontières vous sont donc plus précieuses que vos institutions ?

« Et, pourtant, quelque infâme que soit, pour tout le monde, la vénalité, pour un écrivain elle l’est encore davantage. Ceux qui ont une voix assez forte pour se faire entendre de la foule sont les avocats naturels des saintes causes. Dieu leur a mis un peu de sa salive à la langue, et leur a commandé d’aller prêcher aux hommes le culte de la liberté. Quand ils trahissent leur mission sacrée, quand, exécrables pasteurs, ils vendent au boucher leur troupeau, ils sont dignes de tout le mépris qu’une ame humaine puisse produire : c’est comme si le phare quittait la plage qu’il doit indiquer aux navires battus par la tempête, pour aller s’établir sur un écueil. Je suis le plus chétif et le plus inconnu de ceux qui écrivent pour le peuple ; je n’ai dans ma main qu’une pauvre plume de roitelet ; mais, à Dieu ne plaise que je la vende jamais à nos oppresseurs ! Oh non ! quand la faim, entre ses doigts de fer me presserait les entrailles, je ne voudrais pas descendre à une telle infamie ! Si je dois mendier mon pain, ce ne sera pas dans les antichambres du ministère. J’aimerais mieux aller réciter mes pamphlets de porte en porte, et tendre la main à ceux qui ont encore l’amour de la liberté et de la patrie, et j’aurais, sur