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— Je sens le froid du soir qui me gagne ; il est temps de dire adieu à ce ciel, à ces vieux arbres qui ne me reverront pas, à ces petits oiseaux qui chantent, car nous ne reviendrons plus ici que lundi matin.

Le lendemain, il s’enferma avec son ami le tabellion ; le jour suivant il s’affaissa de plus en plus et garda le lit ; mais le dimanche venu, il se leva, se fit poudrer et mit son plus bel habit. Benjamin, ainsi qu’il l’avait promis, était allé à Clamecy faire lui-même ses invitations ; pas un de ses amis n’avait manqué à ce funèbre appel, et à quatre heures ils se trouvaient tous réunis dans le salon.

M. Minxit ne tarda pas à paraître, chancelant et appuyé sur le bras de mon oncle ; il leur serra à tous la main et les remercia affectueusement de s’être conformés à son dernier désir qui était, disait-il, le caprice d’un moribond.

Cet homme qu’ils avaient vu, il y avait quelque temps, si gai, si heureux, si plein de vie, la douleur l’avait brisé et la vieillesse était venue pour lui tout d’un coup. À sa vue, tous versaient des larmes, et Arthus lui-même sentit subitement s’évanouir son appétit.

Un domestique annonça que le dîner était servi. M. Minxit se plaça comme à l’ordinaire au haut bout de la table.

— Messieurs, dit-il à ses convives, ce dîner est pour moi un dîner suprême ; je veux que mes derniers regards ne s’arrêtent que sur des verres pleins et des visages riants ; si vous voulez me faire plaisir, c’est de donner un libre cours à votre gaieté accoutumée.

Il se versa quelques gouttes de bourgogne et tendit son verre à ses convives.

— À la santé de M. Minxit ! dirent-ils tous ensemble.

— Non, dit M. Minxit, pas à ma santé ; à quoi sert un souhait qui ne peut