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— Eh bien ! dit Benjamin, espérant encore l’abuser, vous le voyez, votre fille dort d’un tranquille sommeil. Êtes-vous satisfait à présent et vous retirez-vous ?

Le malheureux vieillard jeta un coup d’œil sur sa fille.

— Tu as menti ! s’écria-t-il d’une voix qui fit tressaillir Benjamin, elle ne dort pas, elle est morte !

Il se jeta sur son corps et la pressa convulsivement contre sa poitrine.

— Arabelle ! criait-il, Arabelle ! Arabelle ! Oh ! était-ce donc ainsi que je devais la retrouver ! elle, ma fille, mon unique enfant ! Dieu laisse le front du meurtrier se couvrir de cheveux blancs, et il ôte à son père son seul enfant ! comment peut-on nous dire que Dieu est bon et juste ? – Puis, sa douleur se changeant en colère contre mon oncle : – C’est toi misérable Rathery, qui es cause que je l’ai refusée à M. de Pont-Cassé ; sans toi elle serait mariée et pleine de vie.

— Plaisantez-vous ? dit mon oncle. Est-ce que c’est ma faute, à moi, si elle s’est amourachée d’un mousquetaire ?

Toutes les passions, ce n’est que du sang qui se précipite vers le cerveau. La raison de M. Minxit se fût brisée sans doute sous l’effort de cette puissante douleur ; mais dans le paroxysme de son délire, sa veine à peine fermée (on se rappelle que mon oncle venait de le saigner) se rouvrit. Benjamin laissa couler le sang, et bientôt une défaillance salutaire succéda à cette surabondance de vie et sauva le pauvre vieillard. Benjamin donna des ordres et de l’argent au maître de la Levrette pour qu’Arabelle et son amant reçussent une sépulture honorable ; puis il revint s’établir au chevet de M. Minxit, et veilla sur lui comme une mère sur son enfant