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vous l’avez espéré. Si vous persistez dans votre déloyale obstination, je croirai et je dirai que vous avez spéculé sur votre adresse de spadassin, que c’est un guet-apens que vous m’avez tendu, que vous êtes ici non pour risquer votre vie contre la mienne, mais pour m’estropier, entendez-vous, monsieur de Pont-Cassé ? et je vous tiendrai pour un lâche, oui, pour un lâche, mon gentilhomme, pour un lâche, oui, pour un lâche !

Et les paroles de mon oncle vibraient entre ses lèvres comme une vitre qui tinte.

Le gentilhomme n’en put supporter davantage ; il tira son épée et se précipita sur Benjamin. C’en était fait de celui-ci si le caniche, en se jetant sur M. de Pont-Cassé n’eût dérangé la direction de son épée. Le sergent ayant rappelé son chien :

— Messieurs, s’écria mon oncle, je vous prends à témoin que, si j’accepte le combat, c’est pour épargner un assassinat à cet homme.

Et, mettant à son tour sa rapière au vent, il soutint, sans rompre d’une semelle, l’attaque impétueuse de son adversaire. Le sergent ne voyant pas son coup intervenir, piétinait sur l’herbe comme un coursier lié à un arbre, et tournait le poignet à se le démancher, afin d’indiquer à Benjamin le mouvement qu’il devait faire pour désarmer son homme. M. de Pont-Cassé, exaspéré de la résistance inattendue qu’il éprouvait, avait perdu son sang-froid et avec lui sa meurtrière adresse. Il ne s’inquiétait plus de parer les coups que pouvait lui porter son adversaire, et ne cherchait qu’à le percer de son épée.

— Monsieur de Pont-Cassé, lui dit mon oncle, vous auriez mieux fait de jouer aux échecs ; vous n’êtes jamais à la parade ; il ne tiendrait qu’à moi de vous tuer.

— Tuez, monsieur, dit le mousquetaire, vous n’êtes ici que pour cela.