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— Fi donc ! me prends-tu pour un batteur en grange ?

— Et vous, sergent ?

— Moi, j’ai renoncé à ces sortes de choses depuis que j’ai l’honneur d’être dans la musique.

— Mais votre caniche, que penserait-il de cette tête ?

— Je vous remercie pour lui, mais je crois qu’il a peu de goût pour le poisson de mer.

— Il est vrai qu’un hareng ne vaut pas un brochet au bleu…

— Et une étuvée de carpes donc ? surtout quand elle est au vin de Bourgogne, interrompit M. Minxit.

— Sans doute, dit Benjamin, sans doute, vous pourriez même parler d’un civet de lièvre préparé de votre main ; mais toujours est-il que le hareng est excellent quand on n’a pas autre chose. À propos, il y a un quart d’heure que j’ai mis une lettre à la poste ; vous ne l’avez probablement pas reçue, monsieur Minxit ?

— Non, dit M. Minxit, mais je viens t’en apporter la réponse. Tu prétends qu’Arabelle ne t’aime pas, et à cause de cela tu ne veux pas l’épouser !

— M. Rathery a raison, dit le sergent. J’avais un camarade de lit qui ne m’aimait pas et auquel je rendais bien cordialement la pareille ; notre ménage était une véritable salle de police. Au logement, quand l’un voulait des navets dans la soupe, l’autre y mettait des carottes ; à la cantine, si je demandais du cassis, il faisait venir du genièvre. Nous nous disputions pour savoir qui mettrait son fusil à la meilleure place. S’il avait un coup de pied à donner, c’était à mon caniche, et lorsqu’il était mordu par une puce, c’était toujours de ce pauvre Azor qu’elle provenait. Imaginez-vous qu’un jour nous nous sommes battus au clair de la lune, parce