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Pendant ce temps, tous les convives, excepté les deux gentilshommes, présentaient leurs verres à Benjamin et entre-choquaient cordialement le sien.

— À la santé de Benjamin Rathery, le vengeur du peuple méconnu et insulté ! s’écria M. Minxit.

Le dîner se prolongea fort avant dans la soirée. Mon oncle remarqua bien que Mlle Minxit avait disparu quelque temps après M. de Pont-Cassé ; mais il était trop préoccupé des applaudissements qu’on lui prodiguait pour faire attention à sa fiancée. Vers les dix heures, il prit congé de M. Minxit. Celui-ci le reconduisit jusqu’au bout du village et lui fit promettre que le mariage aurait lieu dans la huitaine. Comme Benjamin se trouvait vis-à-vis du moulin de Trucy, il entendit un bruit de paroles qui venait à lui, et il crut distinguer la voix d’Arabelle et celle de son illustre adorateur.

Benjamin, par égard pour Mlle Minxit, ne voulait pas la surprendre à cette heure dans la campagne avec un mousquetaire. Il se cacha sous les rameaux d’un gros noyer, et attendit pour continuer sa route que les deux amants l’eussent dépassé. Il ne songeait nullement sans doute à dérober les petits secrets d’Arabelle ; mais le vent les lui apportait, et il fallut, bien malgré lui, qu’il en reçût la confidence.

— Je sais, disait M. de Pont-Cassé, un moyen de le faire déguerpir : je lui enverrai un cartel.

— Je le connais, répondit Arabelle, c’est un homme d’un orgueil intraitable, et, fût-il sûr d’être tué sur place, il acceptera.

— Tant mieux ! alors je vous en débarrasserai pour toujours.

— Oui, mais d’abord je ne veux pas être complice d’un meurtre ; ensuite, mon père aime cet homme plus que moi peut-être qui suis sa fille unique ; je ne consentirai jamais à ce que vous tuiez le meilleur ami de mon père.