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Ce voisinage causa une méprise que Claude raconte plaisamment : une dame étant venue mettre son chien en pension chez l’instituteur, qui entendait alors recevoir l’enfant de la dame. Mais poursuivons : « J’avais, dans cette maison, le blanchissage, la nourriture et un lit au dortoir entre ceux des élèves ; mon extrême jeunesse ne permettait pas qu’il me fût alloué des appointements. Je faisais l’étude, les répétitions, je surveillais les récréations, j’accompagnais les élèves à la promenade. C’était un morceau de pain chèrement acheté.

« Le chef de l’établissement n’avait d’un instituteur que son nom sur l’enseigne. Il ne savait pas le latin ; il ne savait même pas la cuisine. Il avait acheté une institution comme un clerc de notaire achète quelquefois un fonds de bonneterie. Pour couvrir son ignorance, il lui fallait une réputation de savant ; aussi il avait publié les Beautés de l’histoire de France, et il travaillait aux beautés historiques d’une autre nation. Ce genre d’ouvrages était alors fort en vogue : chaque nation avait, en un volume in-12, les beautés de son histoire ; pas un feuillet de plus à l’une qu’à l’autre. Si l’on eût pensé alors au royaume de Monaco, Monaco aurait eu aussi les beautés de son histoire, in-12 comme les autres.

« Il y a des hommes qui, avec une bonne page, font un bon livre ; d’autres qui, avec un bon livre, ne peuvent faire une bonne page. M. R. était de ces derniers. C’était un de ces gâteurs d’esprit qui mutilent au lieu d’abréger ; qui prennent un in-folio, le dissèquent, en mettent de côté la chair et emportent les os avec eux ; un de ces marmitons de la littérature qui, voulant peler une pomme, ne laissent rien que le trognon. Ses Beautés de l’histoire de France lui donnaient le droit de pren-