et quand il l’eut achevé et parachevé, il revint à M. Rathery. Au cas qu’il ne fût pas mort il le chargea comme un sac sur ses épaules et l’alla porter à sa sœur. Ma grand’mère était délivrée depuis deux bonnes heures ; les voisines qui passaient la nuit auprès d’elle reportèrent leurs soins sur Benjamin. Elles le placèrent sur un matelas devant le foyer, l’enveloppèrent de serviettes chaudes, de couvertures chaudes, et lui mirent aux pieds une brique chaude ; dans l’excès de leur zèle, elles l’auraient volontiers mis au four. Mon oncle se dégela peu à peu ; sa queue, qui était aussi raide que son épée, commença à pleurer sur le traversin, ses articulations se détendirent, l’exercice de la parole lui revint, et le premier usage qu’il en fit fut de demander du vin chaud. On lui en fit vivement une chaudronnée ; quand il en eut bu la moitié, il fut pris d’une telle sueur qu’on crut qu’il s’allait liquéfier. Il avala le reste, se rendormit, et, à huit heures du matin, il se portait le mieux du monde. Si M. le curé eût dressé le procès-verbal de ces faits, mon oncle eût été infailliblement canonisé. On l’eût probablement donné pour patron aux cabaretiers ; et, sans le flatter, il eût fait, avec sa queue et son habit rouge, une magnifique enseigne d’auberge.
Une semaine et plus s’était écoulée depuis l’heureux accouchement de ma grand’mère, et déjà elle songeait à ses relevailles. Cette espèce de quarantaine que lui imposaient les canons de l’Église avait de graves inconvénients pour elle en particulier, et pour toute la famille en général. D’abord, lorsque quelque évènement un peu saillant, quelque bon scandale par exemple, ridait la surface tranquille du quartier, elle ne pouvait aller en disserter chez son prochain de la rue des Moulins, ce qui était pour elle une cruelle privation ; ensuite elle était obligée d’envoyer Gaspard, enveloppé d’un tablier de cuisine, au marché et à la boucherie. Or, ou Gaspard perdait l’argent du pot-au-feu au bouchon, ou il rapportait du collet pour de la cuisse, ou bien encore,