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— Et vos poulets, monsieur ! et ton chapeau, misérable ! et ton toulon, ivrogne ! qu’en as-tu fait !

— Madame, répondit gravement Benjamin, les poulets nous les avons mangés ; pour le tricorne, il a eu le malheur de le perdre en route.

— Comment ! le monstre a perdu son tricorne ! un tricorne tout frais retapé !

— Oui, madame, il l’a perdu, et vous êtes bien heureuse, dans la position où il était, qu’il n’ait pas aussi perdu sa perruque ; quant au toulon, on le lui a saisi à l’octroi, et la régie lui a déclaré procès-verbal.

Comme Page ne pouvait s’empêcher de rire :

— Je vois ce que c’est, dit Mme Susurrans ; c’est vous qui avez débauché mon mari, et par-dessus le marché vous nous plaisantez. Vous feriez bien mieux de vous occuper de vos malades et de payer vos dettes, monsieur Rathery !

— Est-ce que je vous dois quelque chose, madame ? répondit fièrement mon oncle.

— Oui, ma bonne amie, répondit Susurrans, se sentant fort de la protection de sa femme, c’est lui qui m’a débauché ; il m’a mangé mes poulets avec son neveu ; ils m’ont pris mon tricorne et ils m’ont jeté mon toulon dans la rivière ; il voulait encore, l’infâme qu’il est, me forcer à aller dîner avec lui au Dauphin et à faire, à mon âge, le personnage d’un clerc de procureur.

» Allez, indigne homme ! je m’en vais de ce pas chez M. Dulciter le prévenir que vous voulez dîner à sa place et à celle de son clerc.

— Vous voyez madame, fit mon oncle, que votre mari est ivre, et qu’il ne sait ce qu’il dit ; si vous m’en croyez, vous le ferez coucher