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de son côté, s’arma de pierres, et, emporté par son ardeur, il s’avança à l’avant-garde. Mon oncle s’aperçut alors que Saint Martin avait tous les torts dans cette affaire, et il fut pris d’une telle envie de rire que, pour ne point tomber, il fut obligé de s’appuyer sur son épée.

— Gaspard, s’écriait-il d’une voix étouffée, patron de Clamecy, ton saint qui est à l’envers, le casque de ton saint qui va tomber.

Gaspard, comprenant qu’il était l’objet de toute cette risée, ne put supporter cette humiliation ; il ôta son habit, le jeta à terre et le foula aux pieds. Quand mon oncle eut achevé de rire, il voulut le forcer à le ramasser et à le remettre ; mais Gaspard se sauva à travers les champs et ne reparut plus. Benjamin releva piteusement l’habit et le mit au bout de son épée. Sur ces entrefaites, arriva M. Susurrans ; il était un peu dégrisé, et il se ressouvenait très distinctement qu’il avait mangé ses poulets ; mais il avait perdu son tricorne. Benjamin, que les vivacités du petit homme réjouissaient beaucoup, et qui voulait, comme nous dirions, nous autres professeurs, gens de bas lieux et de mauvais ton, le faire monter à l’échelle, lui soutint qu’il l’avait mangé ; mais la force musculaire de Benjamin en imposait tellement à Susurrans, qu’il refusa tout net de se fâcher ; il poussa même l’esprit de contrariété jusqu’à faire des excuses à mon oncle.

Benjamin et M. Susurrans s’en revinrent ensemble à Clamecy. Vers le milieu du faubourg, ils rencontrèrent l’avocat Page.

— Où vas-tu ainsi ? dit celui-ci à mon oncle.

— Eh parbleu, tu t’en doutes bien, je vais dîner chez ma chère sœur.

— Ce n’est pas du tout cela, fit Page, tu t’en vas dîner avec moi à l’hôtel du Dauphin.