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à l’assassin.

Mon oncle avisa un almanach de Liège qui était sur la cheminée :

— Tenez, dit-il, monsieur Susurrans, l’étude, a écrit Cicéron, est une consolation dans toutes les situations de la vie ; amusez-vous à étudier jusqu’à ce qu’on soit venu vous dépendre ; car, pour moi, je n’ai pas le temps de faire conversation avec vous, et j’ai l’honneur de vous souhaiter le bonsoir.

À vingt pas de là mon oncle rencontra le fermier qui accourait et qui lui demanda pourquoi son maître criait au feu et à l’assassin.

— C’est probablement que la maison brûle et qu’on assassine votre maître, répondit tranquillement mon oncle : et, sifflant Gaspard qui était resté en arrière, il continua son chemin.

Le temps s’était radouci ; le ciel, auparavant resplendissant, était devenu d’un blanc mat et sale, comme un plafond de gypse qui n’est pas encore sec. Il tombait une petite pluie, fine, dense, acérée, qui ruisselait en gouttelettes le long des rameaux dépouillés, et faisait pleurer les arbres et les buissons.

Le chapeau de mon oncle s’imbiba comme une éponge de cette pluie, et bientôt ses deux cornes devinrent deux gouttières qui lui versaient une eau noire sur les épaules. Benjamin, inquiet pour son habit, le retourna, et, se ressouvenant de la recommandation de sa sœur, il ordonna à Gaspard d’en faire autant. Celui-ci, sans penser à Saint Martin, se conforma à l’injonction de mon oncle.

À quelque distance de là, Benjamin et Gaspard rencontrèrent une troupe de paysans qui revenaient de vêpres. À la vue du saint qui se trouvait sur l’habit de Gaspard, la tête en bas et son cheval les quatre fers en l’air comme s’il fût tombé du ciel, les rustres poussèrent d’abord de grands éclats de rire, et bientôt ils en vinrent aux huées. Vous connaissez assez mon oncle pour croire qu’il ne se laissa pas impunément bafouer par cette canaille. Il tira son épée ; Gaspard,