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des Moulins. Il serait allé à mon oncle Benjamin tout aussi bien peut-être qu’à mon père ; mais ma grand’mère l’avait fait faire de telle sorte qu’après avoir été usé une première fois par l’aîné, il pût l’être une seconde fois par le cadet. Mon père se carra dans son habit bleu de ciel, je crois même qu’il avait contribué de ses appointements à en payer la façon. Mais il ne tarda pas à s’apercevoir qu’une magnifique parure est souvent un cilice. Benjamin, pour lequel il n’y avait rien de sacré, l’avait surnommé le patron de Clamecy. Ce sobriquet, les enfants l’avaient ramassé, et il avait valu à mon père bien des horions. Plus d’une fois, il lui était arrivé de rentrer à la maison avec un revers de l’habit bleu de ciel dans sa poche. Saint Martin était devenu son ennemi personnel. Souvent vous l’eussiez vu au pied de l’autel plongé dans une sombre méditation. Or, à quoi rêvait-il ? au moyen de se débarrasser de son habit ; et un jour, au Dominus vobiscum du desservant, il répondit, croyant parler à sa mère :

— Je vous dis que je ne porterai plus votre habit bleu de ciel !

Mon père était dans cette disposition d’esprit, lorsque le dimanche après la grand’messe, mon oncle ayant à faire une visite au Val-des-Rosiers, lui proposa de l’accompagner. Gaspard, qui aimait mieux jouer au bouchon sur la promenade que de servir d’aide à mon oncle, répondit qu’il ne le pouvait pas, parce qu’il avait un baptême à faire.

— Cela n’empêche pas, dit Benjamin ; un autre le fera à ta place.

— Oui, mais il faut que j’aille au catéchisme à une heure.

— Je croyais que tu avais fait ta première communion ?

— C’est-à-dire que j’ai été tout près de la faire. C’est vous qui m’en avez empêché en me faisant griser la veille de la cérémonie.

— Et pourquoi te grisais-tu ?