— Inutile, monsieur Rathery, complètement inutile ; tout ce que je désirerais savoir, c’est à quelle époque vous aurez de l’argent qui vous appartiendra ?
— Hélas ! monsieur Bonteint, qui peut prévoir l’avenir ? Ce que vous me demandez, je voudrais le savoir moi-même.
— Cela étant, monsieur Rathery, vous ne trouverez pas mauvais que j’aille de suite chez Parlanta le prévenir qu’il continue les poursuites commencées contre vous.
— Vous êtes de mauvaise humeur, respectable monsieur Bonteint : sur quelle rognure d’étoffe avez-vous donc marché aujourd’hui ?
— De mauvaise humeur, monsieur Rathery, vous conviendrez qu’on le serait à moins ; voilà trois ans que vous me devez cet argent et que vous me remettez de mois en mois, sur je ne sais quelle maladie épidémique que je ne vois pas arriver ; vous êtes cause que j’ai tous les jours des querelles avec Mme Bonteint, qui me reproche que je ne sais pas me faire payer, et qui pousse quelquefois la vivacité jusqu’à me traiter de ganache.
— Mme Bonteint est assurément une dame fort aimable ; vous êtes heureux, monsieur Bonteint, d’avoir une telle épouse, et je vous prie de lui faire, le plus tôt possible, mes compliments.
— Je vous remercie, monsieur Rathery, mais ma femme est, comme on dit, un peu grecque : elle aime mieux l’argent que les compliments et elle dit que si vous aviez eu affaire à mon confrère Grophez, il y a longtemps que vous seriez à l’hôtel Boutron.
— Que diable aussi ! s’écria mon oncle, furieux de ce que Bonteint ne voulait pas lâcher pied, c’est de votre faute si je ne suis pas libéré envers vous ; tous vos confrères ont été ou sont malades : Dutorrent a eu deux fluxions de poitrine cette année ; Arthichaut, une fièvre putride ; Sergifer a des rhumatismes ; Ratine a la diarrhée