Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/210

Cette page n’a pas encore été corrigée

Où mon oncle voulait-il envoyer son vicomte ? je ne le sais ; j’ai fait d’inutiles recherches pour pénétrer le mystère de cette réticence ; mais je vous ai toujours donné une idée de la fermeté, de la netteté, du nerf et de la précision de son style quand il voulait se donner la peine d’écrire.

Cependant, mon oncle n’avait pas renoncé à ses idées de vengeance, tant s’en faut. Le vendredi suivant, après avoir visité ses malades, il fit aiguiser son épée et mit par-dessus son habit rouge la houppelande de Machecourt. Comme il ne voulait point faire le sacrifice de sa queue et qu’il ne pouvait la mettre dans sa poche, il la cacha sous sa vieille perruque et s’en alla ainsi déguisé observer son marquis. Il établit son quartier général dans une espèce de cabaret situé sur le bord de la route de Clamecy, vis-à-vis du château de M. de Cambyse. Le maître du logis venait de se casser une jambe. Mon oncle, toujours prompt à venir en aide à son prochain, quand il était fracturé, déclina sa profession et offrit les secours de son art au patient. Il fut autorisé par sa famille désolée à rétablir en leur lieu et place, les deux fragments du tibia cassé ; ce qu’il fit prestement et à la grande admiration de deux grands laquais à la livrée de M. de Cambyse, qui buvaient dans le cabaret.

Mon oncle, quand son opération fut terminée, alla s’établir dans une chambre haute de l’auberge, droit au-dessus du bouchon, et il se mit à observer le château avec une longue-vue qu’il avait prise chez M. Minxit. Il y avait une bonne heure qu’il se morfondait là, et il n’avait encore rien aperçu dont il pût tirer profit, lorsqu’il vit un laquais de M. de Cambyse descendre ventre à terre la montagne. Cet homme descendit à la porte du cabaret et demanda si le médecin y était encore. Sur la réponse affirmative de la servante, il monta à la chambre de mon oncle, et, l’abordant chapeau bas, il le pria de venir donner ses soins à M. de Cambyse qui venait d’avaler une arête. Mon oncle fut d’abord tenté