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à faire de si bons fromages à la crème, quand vous ne seriez plus là pour les manger !

Cette invocation aux sentiments paternels du vieux docteur produisit son effet.

— Au moins, dit-il, tu me promets qu’il sera fait justice de l’insolence de M. de Cambyse ; car tu es mon gendre, et dès lors, en fait d’honneur, nous sommes solidaires l’un pour l’autre.

— Oh ! pour cela, soyez tranquille, monsieur Minxit, mon œil sera toujours ouvert sur le marquis ; je le guetterai avec l’attention patiente d’un chat qui guette une souris ; un jour ou l’autre, je le surprendrai seul et sans escorte ; alors, il faudra qu’il croise sa noble épée avec ma rapière, ou bien je le bâtonne à satiété. Tenez, je ne puis jurer, comme les anciens preux, de laisser croître ma barbe, ou de manger du pain dur jusqu’à ce que je sois vengé, parce que l’une de ces choses ne conviendrait pas dans notre profession et que l’autre est contraire à mon tempérament ; mais je jure de ne devenir votre gendre que quand l’insulte qui m’a été faite aura reçu une éclatante réparation.

— Non pas, répondit M. Minxit ; tu vas trop loin, Benjamin ; je n’accepte pas ce serment impie ; il faut au contraire que tu épouses ma fille ; tu te vengeras aussi bien après qu’auparavant.

— Y pensez-vous, monsieur Minxit ? du moment que je dois me battre à mort avec le marquis, ma vie ne m’appartient plus ; je ne puis me permettre d’épouser votre fille pour la laisser veuve peut-être le lendemain de ses noces.

Le bon docteur essaya d’ébranler la résolution de mon oncle ; mais, voyant qu’il n’y pouvait parvenir, il se décida à aller changer de costume et à licencier son armée. Ainsi finit cette grande expédition, qui coûta peu de sang à l’humanité, mais beaucoup de vin à M. Minxit.