Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/203

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Vous arrivez bien, monsieur Page, lui dit le belliqueux docteur, je vais vous enrôler dans notre expédition.

— Quelle expédition ? dit Page, qui n’avait pas étudié le droit pour faire la guerre.

Alors mon oncle lui raconta son aventure et la manière dont il allait se venger.

— Prenez-y-garde, dit l’avocat Page, la chose est plus grave que vous ne le pensez. D’abord, quant au succès, espérez-vous avec sept ou huit hommes éclopés venir à bout d’une garnison de trente domestiques commandés par un lieutenant de mousquetaires ?

— Vingt hommes et tous valides, monsieur l’avocat, répondit M. Minxit.

— Soit, dit froidement l’avocat Page ; mais le château de M. de Cambyse est entouré de murailles ; ces murailles tomberont-elles, comme celles de Jéricho au son des cymbales et de la grosse caisse ? Je suppose, toutefois, que vous preniez d’assaut le château du marquis ; ce sera sans doute un beau fait d’armes, mais cet exploit n’est pas de nature à vous faire obtenir la croix de Saint-Louis ; où vous ne voyez qu’une bonne plaisanterie et de légitimes représailles, la justice verra, elle, un bris de porte, une escalade, une violation de domicile, une attaque de nuit, et tout cela encore contre un marquis ! La moindre de ces choses entraîne la peine des galères, je vous en préviens ; il faudra donc qu’après votre victoire vous vous résigniez à abandonner le pays, et cela pour quel résultat ? pour vous faire donner l’accolade par un marquis.

» Quand on peut se venger sans risque et sans dommage, j’admets la vengeance ; mais se venger à son propre détriment, c’est une chose ridicule, c’est un acte de folie. Tu dis, Benjamin, qu’on t’a insulté ; mais qu’est-ce donc qu’une insulte ? presque toujours un acte de brutalité commis par le plus fort au préjudice