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— Ce sont des reliques épuisées, poursuivit M. Minxit ; il y a plus de cinquante ans qu’elles n’ont fait de miracles. M. le curé ferait bien de s’en débarrasser et de les vendre pour composer du noir animal. Moi-même je les prendrais pour faire de l’album græcum, s’il voulait me les céder à juste prix.

— Qu’est-ce que c’est que cela, de l’album græcum ? fit naïvement ma grand’mère.

— Madame, ajouta M. Minxit en s’inclinant, c’est du blanc grec : je regrette de ne pouvoir vous en dire davantage.

— Pour moi, dit le tabellion, petit vieillard en perruque blanche, dont l’œil était plein de malice et de vivacité, je ne reproche pas au pasteur la place honorable qu’il a donnée dans son église aux tibias de saint Maurice : saint Maurice, sans aucun doute, avait des tibias de son vivant. Pourquoi ne seraient-ils pas ici, aussi bien qu’ailleurs ? Je suis même étonné d’une chose, c’est que la fabrique ne possède pas les bottes à l’écuyère de notre patron. Mais je voudrais qu’à son tour le pasteur fût plus tolérant et qu’il ne reprochât pas à ses paroissiens la foi qu’ils ont au Juif-Errant. Ne pas croire assez est aussi bien une marque d’ignorance que de trop croire.

— Comment ! reprit vivement le curé, vous, monsieur le tabellion, vous croiriez au Juif-Errant ?

— Pourquoi donc n’y croirais-je pas aussi bien qu’à saint Maurice ?

— Et vous, monsieur le docteur, dit-il en s’adressant à Fata, croyez-vous au Juif-Errant ?

— Hum, hum, fit celui-ci en absorbant une grosse prise de tabac.

— Pour vous, respectable monsieur Minxit…

— Moi, interrompit M. Minxit, je pense comme le confrère,