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abord, elle lui avait déplu, c’est qu’il l’avait vue sous la forme d’une grosse chaîne.

— Voilà ma propriété, dit M. Minxit ; quand tu seras mon gendre, elle sera à nous deux, et, ma foi, quand je n’y serai plus…

— Entendons-nous, fit mon oncle, êtes-vous bien sûr que Mlle Arabelle n’a aucune répugnance à m’épouser ?

— Et pourquoi en aurait-elle ? Tu ne te rends pas justice, Benjamin. N’es-tu pas joli garçon entre tous ? n’es-tu pas aimable quand tu le veux et autant que tu le veux ? et n’es-tu pas homme d’esprit par-dessus le marché ?

— Il y a du vrai dans ce que vous dites, M. Minxit ; mais les femmes sont capricieuses, et je me suis laissé dire que Mlle Arabelle avait une inclination pour un gentilhomme de ce pays, un certain de Pont-Cassé.

— Un hobereau, dit M. Minxit ; une espèce de mousquetaire qui a mangé, en chevaux fins et en habits brodés, de beaux domaines que lui avait laissés son père. Il m’a, à la vérité, demandé Arabelle ; mais j’ai rejeté sa proposition d’une lieue. En moins de deux ans, il eût dévoré ma fortune. Tu conçois que je ne pouvais donner ma fille à un pareil être. Avec cela c’est un duelliste forcené. Par compensation, un de ces jours, il eût débarrassé Arabelle de sa noble personne.

— Vous avez raison, M. Minxit ; mais, enfin, si cet être est aimé d’Arabelle…

— Fi donc ! Benjamin, Arabelle a dans les veines trop de mon sang pour s’amouracher d’un vicomte. Ce qu’il me faut à moi, c’est un enfant du peuple, un homme comme toi, Benjamin, avec lequel je puisse rire, boire et philosopher ; un médecin habile qui exploite avec moi ma clientèle, et supplée, par sa science, à ce que n’aura pu nous révéler la divination des urines.