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grand verre de vin pour s’inspirer, la Providence y pourvoira : Audaces fortuna juvat, et d’ailleurs tout miracle demandé, c’est un miracle à moitié fait.

Il suivit donc la jeune paysanne, traînant à sa suite, comme une comète, une longue queue de Moulotats ; étant entré dans la maison, il vit sur son grabat un paysan qui avait la bouche de travers et semblait vouloir manger son oreille ; il demanda comment cet accident lui était survenu, si ce n’était pas à la suite d’un bâillement ou d’un éclat de rire.

— Ça lui est arrivé ce matin en déjeunant, répondit sa femme, comme il voulait casser une noix entre ses dents.

— Très bien ! dit mon oncle, dont la figure s’illumina, et avez-vous appelé quelqu’un ?

— Nous avons envoyé chercher M. Arnout, qui a déclaré que c’était une attaque de paralysie.

— On ne peut mieux. Je vois que le docteur Arnout connaît la paralysie comme s’il l’avait inventée ; et que vous a-t-il ordonné ?

— Cette drogue qui est là dans cette fiole.

Mon oncle ayant examiné la drogue, reconnut que c’était de l’émétique et jeta la fiole par la rue. Son assurance produisit un excellent effet.

— Je vois bien, monsieur le Juif, dit la bonne femme, que vous êtes capable de faire le miracle que nous vous demandons.

— Des miracles comme celui-là, répondit Benjamin, j’en ferais cent par jour si j’en étais fourni.

Il se fit apporter une cuiller de fer et en enveloppa l’extrémité de plusieurs bandes de linge fin ; il introduisit cet instrument improvisé dans la bouche du patient, souleva la mâchoire supérieure