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des deux chemins, lui dit que l’homme rouge qu’elle avait perdu était descendu, il y avait à peu près un quart d’heure vers le village ; ma grand’mère poussa son âne dans cette direction, et tel était l’ascendant que lui donnait son indignation sur ce quadrupède, qu’il se mit à trotter de lui-même par pure déférence pour le cavalier et comme s’il eût voulu rendre hommage à son grand caractère.

Le village de Moulot avait un air de mouvement tout à fait inusité ; les Moulotats, ordinairement si rassis et au cerveau desquels il n’y a jamais eu plus de fermentation que dans un fromage à la crème, semblaient tous avoir le transport. Les paysans descendaient en toute hâte des coteaux voisins ; les femmes et les enfants couraient en s’appelant les uns les autres : tous les rouets étaient délaissés et toutes les quenouilles chômaient. Ma grand’mère s’informa de la cause de ce mouvement ; on lui dit que c’était le Juif-Errant qui venait d’arriver à Moulot et qui déjeunait sur la place. Elle comprit aussitôt que ce prétendu Juif-Errant n’était autre que Benjamin ; et, en effet, elle ne tarda pas à l’apercevoir du haut de son âne au milieu d’un cercle de badauds.