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on pas aussi bien bossu dans un habit de velours que dans un habit de tiretaine ?

» Le riche a deux, trois, quatre, dix valets à son service. Eh ! mon Dieu ! que fait cette quantité de membres inutiles qu’on ajoute orgueilleusement à son corps, lorsqu’il n’en faut que quatre pour faire le service de notre personne ? L’homme habitué à se faire servir, c’est un malheureux perclus de tous ses membres qu’il faut faire manger et boire.

» Ce riche a un hôtel à la ville et un château à la campagne ; mais qu’importe le château quand le maître est à l’hôtel, l’hôtel quand il est au château ? Qu’importe que son logis se compose de vingt chambres lorsqu’il ne peut être que dans une seule à la fois ?

» Attenant son château, il a pour promener ses rêveries un grand parc clos par un mur à chaux et à sable, de dix pieds de haut ; mais d’abord, s’il n’a pas de rêveries ? et ensuite, est-ce que la campagne qui n’est close que par l’horizon, et qui appartient à tous, n’est pas aussi belle que son grand parc ?

» Au milieu dudit parc, un canal entretenu par un filet d’eau traîne ses eaux verdâtres et malades sur lesquelles se collent, comme des emplâtres, les larges feuilles du nénuphar ; mais le fleuve qui se promène librement dans la pleine campagne n’est-il pas plus clair et plus liquide que son canal ?

» Des dahlias de cent cinquante espèces différentes bordent ses allées, soit ; je vous donne encore les quatre au cent, ce qui fait cent cinquante-six espèces ; mais le chemin ombragé d’ormes qui se glisse dans l’herbe comme un serpent, ne vaut-il pas bien ses allées ? et les haies toutes festonnées de roses sauvages et toutes parsemées d’aubépines ; les haies qui mêlent au vent leurs touffes de toutes couleurs et en jettent les fleurs sur le chemin ne valent-elles pas bien ces dahlias dont l’horticulteur seul peut deviner le mérite ?