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riche ont eu la même somme de bonheur. Bonne ou mauvaise, chaque individu s’habitue à sa situation. Le boiteux ne s’aperçoit plus qu’il va sur une béquille, et le riche qu’il a un équipage. Le pauvre escargot qui porte sa maison sur son dos jouit autant d’un jour de parfums et de soleil que l’oiseau qui gazouille au-dessus de lui sur sa branche. Ce n’est point la cause qu’il faut considérer, c’est l’effet qu’elle produit. Le manœuvre qui est assis sur un banc devant sa chaumière ne se trouve-t-il pas aussi bien que le roi sur l’édredon de son fauteuil ? Gros-Jean ne mange-t-il pas sa soupe aux choux avec autant de plaisir que le roi son potage aux écrevisses ? et le mendiant ne dort-il pas aussi bien dans la paille où il s’épanouit que la grande dame sous ses rideaux de soie et entre la batiste parfumée de son lit ? Un enfant, lorsqu’il trouve un liard, est plus content que le banquier qui a trouvé un louis, et le paysan qui hérite d’un arpent de terre est aussi triomphant que le roi auquel ses armées ont conquis une province et qui fait entonner un Te Deum par son peuple.

» Tout mal ici-bas se compense par un bien, et tout bien qui s’étale est atténué par un mal qu’on ne voit pas. Dieu a mille moyens de faire des compensations ; s’il a donné à l’un de bons dîners, à l’autre il donne un peu plus d’appétit, et cela rétablit l’équilibre. Au riche il a donné la crainte de perdre, le souci de conserver, et au gueux l’insouciance. En nous envoyant dans ce lieu d’exil, il nous a fait à tous un bagage à peu près égal de misère et de bien-être ; s’il en était autrement, il ne serait pas juste, car tous les hommes sont ses enfants.

» Et pourquoi donc, en effet, le riche serait-il plus heureux que le pauvre ? il ne travaille point ; eh bien ! il n’a pas le plaisir de se reposer.

» Il a de beaux habits ; mais tout l’agrément en revient à celui qui le regarde. Quand le marguillier fait la toilette d’un saint, est-ce pour le saint lui-même ou pour ses adorateurs ? Au reste, n’est-