Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/142

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Eh bien ! si je l’insultais, que me ferais-tu ?

— Je vous quitterais, je passerais aux îles, et j’emmènerais Machecourt, je vous en préviens.

Ma grand’mère comprit que tous ces emportements n’aboutiraient à rien, et elle prit de suite son parti.

— Tu vas faire comme cet ivrogne qui est dans son lit, dit-elle ; tu as aussi besoin que lui de te coucher. Mais demain, c’est moi qui te conduirai chez M. Minxit, et nous verrons si tu t’arrêteras en route.

— Mironton, mironton, mirontaine, faisait Benjamin en allant se coucher.

L’idée de la démarche qu’il devait faire le lendemain agitait le sommeil ordinairement si paisible, si compact et si dense de mon oncle ; il rêvait tout haut, et voici ce qu’il disait :

— Vous dites, sergent, que vous avez dîné comme un roi. Ce n’est pas cela le mot, c’est une litote que vous faites. Vous avez dîné mieux qu’un empereur. Les rois et les empereurs, malgré toute leur puissance, ne peuvent faire un extra, et vous en avez fait un. Voyez-vous, sergent, tout est relatif. Cette matelote ne vaut certainement pas un perdreau truffé. Cependant elle a chatouillé plus agréablement vos houppes nerveuses qu’un perdreau truffé ne chatouillerait celles du roi ; pourquoi cela ? parce que le palais de Sa Majesté est blasé sur les truffes, tandis que le vôtre n’a pas l’habitude des matelotes.

» Ma chère sœur me dit : Benjamin, fais quelque chose pour devenir riche. Benjamin, épouse Mlle Minxit pour avoir une bonne dot. À quoi cela me servira-t-il ? Le papillon, pour deux ou trois mois de beaux jours qu’il a à vivre, se donne-t-il la peine de se bâtir un nid ? Je suis convaincu, moi, que les jouissances sont relatives aux positions, et qu’au bout de l’année, le gueux et le