tenir à la coulisse et à la préface, de laisser toute indépendance, toute individualité aux êtres de sa fantaisie, aux personnages de son invention, là où le poète doit ne plus être en action mais faire place au héros, on reconnaît encore sur un profil perdu, sur une figure accessoire sinon principale, quelque faux air, quelque vague ressemblance de la paternité. Ce sera un trait, un mot, que sais-je ? si peu que vous voudrez ; mais ce sera quelque chose qui vous révélera l’auteur même à son insu, qui vous donnera une idée suffisante de sa physionomie, de son caractère, de son esprit et de son cœur, de l’homme enfin. Est-ce que vous ne connaissez pas Molière après avoir entendu Cléante dans Tartufe ? Est-ce que vous n’avez pas vu Byron après avoir lu Lara ? Les connaîtrait-on mieux de les avoir vus passer, tousser et marcher ? Mais je dis cela à plus forte raison de l’auteur de pamphlets, ce genre d’écrits à part, où l’auteur est véritablement le héros de son œuvre, où il est en même temps, je le répète, le personnage et le poète, le créateur et la fiction, où il est seul en scène, seul en cause avec ses adversaires, où il est tout le sujet, toute l’action, l’alpha et l’oméga du livre, où il se montre tout entier, tel qu’il est, avec ses sentiments, ses intérêts et ses passions, avec tous ses secrets, sympathies et répugnances, colères et tendresses, haines et amours, où c’est toujours lui qui parle et
Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/13
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.