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Un taureau, qu’un paysan menait au pré, venait à eux. Offusqué sans doute par l’habit de Benjamin, il fondit brusquement sur lui. Mon oncle esquiva ses cornes, et, comme il avait des articulations d’acier, il franchit d’un saut, sans faire plus d’effort que s’il eût exécuté un entrechat, un large fossé qui séparait la route des champs. Le taureau, qui tenait sans doute à faire une estafilade à l’habit rouge, voulut opérer comme mon oncle ; mais il tomba au milieu du fossé. « C’est bien fait, dit Benjamin, voilà ce que c’est que de chercher querelle à ceux qui ne songent pas à toi. » Mais le quadrupède, obstiné comme un Russe qui monte à l’assaut, ne se rebuta pas pour ce mauvais succès ; enfonçant ses sabots dans la terre à moitié dégelée, il cherchait à grimper le talus. Mon oncle, voyant cela, tira son épée, et tandis qu’il lardait de son mieux le mufle de l’ennemi, il appelait le paysan, et s’écriait : « Bonhomme, arrêtez votre bête, sinon je vous préviens que je lui passe mon épée au travers du corps. » Mais, tout en parlant ainsi, il laissa tomber son épée dans le fossé. « Ôte ton habit et jette-le-lui bien vite ! », s’écria Machecourt. « Sauvez-vous dans les vignes », disait le paysan. « Gzzi ! gzzi ! Fontenoy », fit le sergent. Le caniche se jeta sur le taureau, et comme il savait son monde, il le mordit au jarret. La colère de l’animal se tourna alors contre le chien ; mais, tandis qu’il faisait rage de ses cornes, le paysan arriva, et parvint à passer un nœud coulant autour des jambes de derrière du taureau. Cette habile manœuvre eut un plein succès et mit fin aux hostilités.

Benjamin redescendit sur la route ; il croyait que Machecourt allait se moquer de lui, mais celui-ci était pâle comme un linge et tremblait sur ses jambes.

— Allons, Machecourt, remets-toi, dit mon oncle, ou bien il faudra que je te saigne. Et toi, mon brave Fontenoy, tu as fait aujourd’hui une plus jolie fable que celle de La Fontaine intitulée : la Colombe et la Fourmi. Vous voyez, messieurs, qu’un bienfait n’est