Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/110

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Je vous dis que je partirai !

— Je te dis que tu ne partiras pas !

— Voulez-vous que je vous porte jusque chez M. Minxit au bout de ma queue ?

Tel était le dialogue qui avait lieu entre le frère et la sœur quand mon grand-père arriva. Il mit fin à la discussion en déclarant que le lendemain il avait besoin d’aller à la Chapelle, et qu’il emmènerait Benjamin avec lui.

Mon grand-père était sur pied avant le jour. Quand il eut griffonné son exploit et écrit au bas : « dont le coût est de six francs quatre sous six deniers », il essuya sa plume sur la manche de sa houppelande, serra précieusement ses lunettes dans leur fourreau et alla éveiller Benjamin. Celui-ci dormait comme le prince de Condé – si le prince ne faisait semblant de dormir – la veille d’une bataille.

— Allons, eh ! Benjamin, debout ! il fait grand jour.

— Tu te trompes, répondit Benjamin avec un grognement et se retournant du côté du mur, il fait nuit noire.

— Lève la tête, tu verras la clarté du soleil sur le plancher !

— Je te dis, moi, que c’est la clarté du réverbère.

— Ah çà ! est-ce que tu ne voudrais pas partir ?

— Non ; j’ai rêvé toute la nuit de pain dur et de piquette, et si nous nous mettions en route, il pourrait nous arriver malheur.

— Eh bien ! je te déclare, moi, que si dans dix minutes tu n’es pas levé, je t’envoie ta chère sœur ; si, au contraire, tu es levé, je perce ce quartaut de vieux vin que tu sais bien.

— Tu es sûr que c’est du Pouilly, n’est-ce pas ? dit Benjamin se mettant sur son séant ; tu m’en donnes ta parole d’honneur ?