À l’entrée du faubourg, elle rencontra son mari qu’on ramenait en triomphe couronné de bouchons. Il était appuyé sur le bras droit de Benjamin qui criait à gorge déployée :
« À tous présents faisons connaître que le sieur Machecourt, huissier à verge de Sa Majesté, vient d’être nommé prévôt d’armes, en récompense… »
— Chien d’ivrogne ! s’écria ma grand’mère en apercevant Benjamin ; et, ne pouvant résister à l’émotion qui depuis une heure l’étouffait, elle tomba sur le pavé. Il fallut la reporter chez elle sur le matelas qu’elle avait destiné à son frère.
Pour celui-ci, il ne se souvint de sa blessure que le lendemain matin en mettant son babil ; mais sa sœur avait une grosse fièvre. Elle fut huit jours dangereusement malade, et durant tout ce temps, Benjamin ne quitta pas son chevet. Quand elle fut capable de l’entendre, il lui promit qu’il allait mener dorénavant une vie plus réglée, et qu’il songeait décidément à payer ses dettes et à se marier.
Ma grand’mère fut bientôt rétablie. Elle chargea son mari de se mettre en quête d’une femme pour Benjamin.
À quelque temps de là, par un soir du mois de novembre, mon grand-père arrivait crotté jusqu’à l’échiné, mais rayonnant.
— J’ai trouvé au-delà de ce que nous espérions, s’écriait l’excellent homme en pressant les mains de son beau-frère ; Benjamin, te voilà riche maintenant, tu pourras manger des matelottes tant que tu voudras.
— Mais, qu’as-tu donc trouvé ? faisaient, chacun de leur côté, ma grand’mère et Benjamin.
— Une fille unique, une riche héritière, la fille du père Minxit, avec lequel nous avons fait la Saint-Yves il y a un mois !
— De ce médecin de village qui consulte les urines ?