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Cependant, la nouvelle de cet accident s’était répandue à Clamecy. En passant de bouche en bouche, elle s’était merveilleusement grossie, et, quand elle arriva à ma grand’mère, elle avait pris les proportions gigantesques d’un meurtre commis par son mari sur la personne de son frère.

Ma grand-mère, dans un corps d’une aune de long, portait un caractère plein de fermeté et d’énergie. Elle n’alla point chez ses voisins pousser de grands cris et se faire jeter du vinaigre à la figure. Avec cette présence d’esprit que donne la douleur aux âmes fortes, elle vit de suite ce qu’elle avait à faire. Elle fit coucher ses enfants, prit tout l’argent qu’il y avait à la maison et le peu de bijoux qu’elle possédait, afin de fournir à son mari les moyens de sortir du pays s’il y avait lieu ; fit un paquet de linge propre à faire des bandes et de la charpie pour panser le blessé en cas qu’il fût encore vivant ; tira un matelas de son lit et pria un voisin de la suivre avec ; puis, s’enveloppant dans sa cape, elle se dirigea sans chanceler vers la fatale guinguette.