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PENSÉES.

d’amour, qui les rend incapables d’autre fin que de lui-même.

Tous ceux qui cherchent Dieu hors de Jésus-Christ, et qui s’arrêtent dans la nature, ou ils ne trouvent aucune lumière qui les satisfasse, ou ils arrivent à se former un moyen de connaître Dieu et de le servir sans médiateur, et par là ils tombent ou dans l’athéisme ou dans le déisme, qui sont deux choses que la religion chrétienne abhorre presque également.

Sans Jésus-Christ le monde ne subsisterait pas ; car il faudrait, ou qu’il fût détruit, ou qu’il fût comme un enfer.

Si le monde subsistait pour instruire l’homme de Dieu, sa divinité y reluirait de toutes parts d’une manière incontestable ; mais, comme il ne subsiste que par Jésus-Christ et pour Jésus-Christ, et pour instruire les hommes et de leur corruption et de leur rédemption, tout y éclate des preuves de ces deux vérités.

Ce qui y paraît ne marque ni une exclusion totale, ni une présence manifeste de divinité, mais la présence d’un Dieu qui se cache. Tout porte ce caractère.

Le seul qui connaît la nature ne la connaîtra-t-il que pour être misérable[1] ? le seul qui la connaît sera-t-il le seul malheureux ?

Il ne faut pas[2] qu’il ne voie rien du tout ; il ne faut pas aussi qu’il en voie assez pour croire qu’il le possède ; mais qu’il en voie assez pour connaître qu’il l’a perdu ; car, pour connaître qu’on a perdu, il faut

  1. A la page 232 de la copie.
  2. Pas omis, puis ajouté dans la Copie.