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SECTION VIII.

serait persuadé que les proportions des nombres sont des vérités immatérielles, éternelles, et dépendantes d’une première vérité[1] en qui elles subsistent, et qu’on appelle Dieu, je ne le trouverais pas beaucoup avancé pour son salut.

Le Dieu des Chrétiens ne consiste pas en un Dieu simplement auteur des vérités géométriques et de l’ordre des éléments ; c’est la part des païens et des épicuriens. Il ne consiste pas seulement en un Dieu qui exerce sa[2] providence sur la vie et sur les biens des hommes, pour donner une heureuse suite d’années à ceux qui l’adorent[3] ; c’est la portion des Juifs. Mais le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, le Dieu des Chrétiens[4], est un Dieu d’amour et de consolation[5], c’est un Dieu qui remplit l’âme et le cœur de ceux qu’il possède, c’est un Dieu qui leur fait sentir intérieurement leur misère et sa miséricorde infinie, qui s’unit au fond de leur âme, qui la remplit d’humilité, de joie, de confiance,

  1. De immatérielles… à vérité, phrase d’abord omise par la copie, puis rétablie en marge.
  2. Première lecture corrigée grandeur.
  3. Première lecture corrigée comme le patron.
  4. A la page 231 de la Copie.
  5. Cf. La Prière pour le bon usage des maladies : « Je demande de n’être pas abandonné aux douleurs de la nature sans les consolations de votre Esprit ; car c’est la malédiction des Juifs et des Païens. Je ne demande pas d’avoir une plénitude de consolation sans aucune souffrance ; car c’est la vie de la gloire. Je ne demande pas aussi d’être dans une plénitude de maux sans consolation ; car c’est un état de judaïsme. Mais je demande, Seigneur, de ressentir tout ensemble et les douleurs de la nature pour mes péchés, et les consolations de votre Esprit par votre grâce ; car c’est le véritable état du christianisme » (§ 11).