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PENSÉES.

de l’homme de connaître ces deux points, il est aussi également de la miséricorde de Dieu de nous les avoir fait connaître. La religion chrétienne le fait, c’est en cela qu’elle consiste.

Qu’on examine l’ordre du monde sur cela, et qu’on voie si toutes choses ne tendent pas à l’établissement des deux chefs de cette religion[1] : Ceux qui s’égarent ne s’égarent que manque de voir une de ces deux choses. On peut donc bien connaître Dieu sans sa misère, et sa misère sans Dieu : mais on ne peut connaître Jésus-Christ sans connaître tout ensemble et Dieu et sa misère. Jésus-Christ est l’objet de tout, et le centre où tout tend. Qui le connaît connaît la raison de toutes choses.

Et c’est pourquoi je n’entreprendrai pas ici de prouver par des raisons naturelles, ou l’existence de Dieu, ou la Trinité, ou l’immortalité de l’âme ni aucune des choses de cette nature : non seulement parce que je ne me sentirais pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées endurcis, mais encore parce que cette connaissance, sans Jésus-Christ, est inutile et stérile[2]. Quand un homme

  1. A la page 230 de la Copie.
  2. « La plupart de ceux qui tâchent de prouver par des raisonnements et par des discours cachés la vérité d’un Dieu, travaillent inutilement et quelquefois même avec danger, les raisonnements étant d’ordinaire plus capables de rendre douteuse et incertaine une vérité si indubitable et si claire que de l’éclaircir et de l’assurer. » (Barcos, abbé de Saint-Cyran, Explication du symbole, p. 18.) — Dans sa Préface, Étienne Périer cite ce passage de Pascal que Port-Royal avait écarté, et insiste sur sa signification. (Pièces justificatives, p. cxciv) Mme Périer lait de ce fragment le centre de son interprétation de l’Apologie (ibid, p. ccxliv, cf. fr. 242).