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établit un à un. par une suite de raisonnements métaphysiques qui se déroulent à priori, les conditions que doit remplir le Rédempteur, pour conclure enfin que « l’homme duquel il a été parlé jusqu’à présent, c’est Jésus-Christ ». Pascal ne sera certes pas le lecteur docile auquel Raymond Sebon « présente cette belle université des choses et des créatures comme une voie droite et une ferme échelle ayant des marches très assurées par où il puisse arriver à son naturel domicile et se remontrer à la vraie connaissance de sa nature… par la vue des choses inférieures, il s’acheminera jusques à l’homme et tout d’un fil il enjambera de l’homme jusques à Dieu ». — Et cependant Pascal ne rejettera pas complètement l’idée de cette hiérarchie des êtres dont Raymond Sebon a fait la base de son Apologétique ; il n’oubliera pas les « trois fraternités des chrétiens : fraternité de la chair dans le premier homme, fraternité de l’âme qu’ils reçoivent de Dieu, fraternité du bien-être qu’engendre en eux Jésus-Christ, leur tiers père ». Seule ment il ne croira pas si facile d’ « enjamber » d’un ordre à l’autre ; la gradation, qui était continue pour Raymond Sebon, devient pour lui opposition perpétuelle, « renversement du pour au contre ». Dans cette hiérarchie même il remarque la place éminente que Raymond Sebon a faite au jugement et à la connaissance de soi : la réflexion de Raymond Sebon est retenue et immortalisée dans le fragment du Roseau pensant. Mais, tandis que Raymond Sebon fait croître parallèlement la grandeur effective de l’homme et la conscience de cette grandeur, Pascal mettra en opposition la dignité que donne la connaissance de soi, et la réalité misérable que cette conscience éclaire. Enfin Pascal emprunte à Raymond Sebon cette idée que l’intelligence est pour nous un instrument pratique, qu’elle doit travailler à notre avantage et se prononcer