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La carrière philosophique de Voltaire se trouve ainsi comme encadrée par deux études sur les Pensées de Pascal. Ces deux études ne portent pas tout à fait sur le même terrain. En 1784 Voltaire est avant tout optimiste, à la psychologie dualiste de Pascal il oppose les analyses unilatérales et le naturalisme simpliste des philosophes anglais ; c’est ce qu’il appelle « prendre le parti de l’humanité contre ce misanthrope sublime » [1]. En 1778, Voltaire s’est depuis de longues années prononcé contre Leibniz et Rousseau ; il est pessimiste. Afin de combattre Pascal il invoque le progrès de la science, qui permet d’être optimiste pour l’avenir. Aussi à un savant comme Pascal il oppose un savant comme Condorcet qui, écrit-t-il dans l’Avertissement de 1778, « est, ce me semble, autant au-dessus du géomètre Pascal que la géométrie de nos jours est au-dessus de celle des Roberval, des Fermat et des Descartes ». Dès lors Pascal n’est plus « ce géant vainqueur de tant d’esprits » [2] dont Vauvenargues subissait malgré lui, et surtout malgré Voltaire, « l’ascendant despotique ». « Quelle lumière, écrit maintenant Voltaire, s’est levée sur l’Europe depuis quelques années !… C’est la lumière du sens commun… On a ri à la mort du jansénisme et du molinisme ; et de la grâce concomitante, et de la médicinale, et de la suffisante, et de l’efficace… De tant de disputeurs éternels, Pascal seul est resté, parce que seul il était un homme de génie. Il est encore debout sur les ruines de ce siècle. » Et l’esprit du commentaire nouveau, qui est ajouté à celui de Condorcet, se résume

  1. Cf. Sainte-Beuve, Port-Royal, 5e édit., t. III, p. 402 sqq., et la réponse de Boullier : Sentiments de M… sur la critique des Pensées de Pascal, par M. de Voltaire, 1741.
  2. Lettre de juin 1733, citée par Sainte-Beuve, Port-Royal, 5e édit., tome III, p. 399.