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jours infiniment éloigné du bout, et la durée de notre vie ne l’est-elle pas également infiniment de l’éternité, pour durer dix ans davantage[1] ?

Dans la vue de ces infinis, tous les finis sont égaux ; et je ne vois pas pourquoi asseoir son imagination plutôt sur un que sur l’autre. La seule comparaison que nous faisons de nous au fini nous fait peine.

Si l’homme s’étudiait[2] le premier, il verrait combien[3] il est incapable de passer outre[4]. Comment se pourrait-il qu’une partie connût le tout[5] ? — Mais il aspirera peut-être à connaître au moins les parties avec lesquelles il a de la proportion ? — Mais[6] les parties du monde ont toutes un tel rapport et un tel enchaînement l’une avec l’autre, que je crois impossible de connaître l’une sans l’autre et sans le tout.

L’homme, par exemple, a rapport à tout ce qu’il connaît. Il a besoin[7] de lieu pour le contenir, de temps pour durer, de mouvement pour vivre, d’éléments pour le composer[8], de chaleur et d’aliments pour [le][9] nourrir, d’air pour respirer ; il voit la lu-

  1. « Dix ans est le parti » (fr. 238).
  2. [Plutôt.]
  3. [Dans tant de ces causes de son [l’impuissance où il est.]
  4. [Qu’il y bornerait sa curiosité, mais il ne le voit pas. Je crois qu’on voit assez par là que l’homme n’est pas.] Une partie [ne peut connaître] le tout.
  5. « Mais nostre condition porte que la cognoissance de ce que nous avons entre mains est aussi esloingnee de nous, et aussi bien au dessus des nues, que celle des astres » (Mont., Apol.).
  6. Le premier mais énonce une instance, et le second mais la réponse à cette instance.
  7. [D’aliments pour se nourrir, d’air pour respirer.]
  8. [De lumière.]
  9. Pascal a écrit pour nourrir.