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Mais dans l’esprit de finesse, les principes sont dans [1] l’usage commun et devant les yeux de tout le monde ; on n’a que faire de tourner la tête, ni de se faire violence, il n’est question que d’avoir bonne vue, mais il faut l’avoir bonne [2], car les principes sont si déliés et en si grand nombre qu’il est presque impossible qu’il n’en échappe ; or l’omission d’un principe mène à l’erreur ; ainsi il faut avoir la vue bien nette pour voir tous les principes, et ensuite l’esprit juste pour ne pas raisonner faussement sur des principes connus[3].

Tous les géomètres seraient donc fins s’ils avaient la vue bonne[4], car ils ne raisonnent pas faux sur les

    et le géomètre n’a pas le droit de faire appel à une proposition ou à une propriété qui ne résulte pas d’une définition donnée, à moins qu’il ne s’agisse d’une proposition ou d’une propriété tellement évidente qu’elle est plus claire que toute définition possible. Au début même de la réflexion géométrique, tous les principes sur lesquels s’exerce cette réflexion peuvent être considérés comme distinctement énumérés ; l’omission est à peu près impossible.

  1. [Le bon.]
  2. L’intuition du géomètre est antérieure au raisonnement, et plus claire que lui, parce qu’elle porte sur les objets les plus simples : nombre, espace, lumière. Ici au contraire il s’agit de l’objet complexe et qu’on ne peut pas analyser pour le résoudre en définitions, il s’agit de l’âme humaine : le juge d’instruction et l’historien, le diplomate et le psychologue, plus simplement l’homme qui vit dans le monde, qui veut comprendre les hommes qu’il a devant lui, se faire aimer d’eux ou se faire obéir, découvre à mesure qu’il observe davantage des sentiments plus nombreux avec des nuances plus délicates qui font de chaque individu, à chaque instant de son existence, un tout original, irréductible, perceptible au seul sentiment individuel. On ne peut pas séparer, encore moins énumérer : il faut voir l’unité d’ensemble, et juger en un coup d’œil du rapport de chaque détail à cette unité totale.
  3. Ces deux premiers paragraphes sont d’une main étrangère ; le reste du fragment est écrit par Pascal.
  4. [Mais.]