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ARNAULD.

propre aveu, Nicole ira pas compris les Pensées de Pascal. Qu’il n’ait vu dans leur auteur qu’un ramasseur de coquilles[1], c’est une boutade que nous ne saurions prendre au sérieux. Mais à ses yeux Pascal était demeuré le jeune homme qui avait écrit les Provinciales, et qui avait assuré leur succès par ses qualités mondaines. C’est parce qu’il sortait à peine du siècle qu’il avait eu si facilement prise sur le siècle ; les influences profanes ne se manifestent que trop par les passages imités ou transcrits de Montaigne, par les attaques téméraires contre l’ordre que Dieu a établi dans l’État et dans l’Église même.

Sur ce dernier point les sentiments de Nicole paraissent avoir été partagés par Arnauld. « Toujours occupé », Arnauld est surtout intervenu vers la fin. Le livre est imprimé, il lui faut des approbations ; mais les approbateurs ont leurs exigences. Arnauld est l’arbitre désigné : il a l’autorité de la doctrine, et il sait quelles sont les nécessités du moment. Il impose à Mme Périer les sacrifices qu’il juge inévitables ; mais, après avoir envoyé le libraire Desprez chez l’archevêque de Paris, lorsqu’il est menacé de recevoir l’ordre de joindre aux Pensées de Pascal une attestation qu’il savait inexacte et qui devait être désavouée par son auteur, lorsqu’il lui faut protéger « l’honneur » de Pascal contre les éternels faussaires que les Provinciales n’avaient pas corrigés, il n’hésite pas, il approuve le détour suggéré par Desprez, et le premier tirage des Pensées où l’on avait d’ailleurs quelque peu remanié l’impression de 1669 est mis en vente comme seconde édition[2].

  1. Cf. Sainte-Beuve, Port-Royal, 5e édit., t. III, p. 384.
  2. Voir aux Pièces justificatives, p. clxxiii, l’histoire de cette seconde édition de 1670 et la collation avec l’impression de 1669.