Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/277

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prouver Dieu à l’aide de la nature, du ciel et des oiseaux ; il les condamne à la fois en savant qui en mesure la pauvreté, en janséniste qui en pénètre le caractère rationaliste et natu raliste. Quelle sera donc la véritable méthode pour amener l’homme à Dieu ? Le manuscrit de Pascal contient un grand nombre de fragments relatifs à ce point qui est capital dans une Apologie janséniste. Si la grâce vient uniquement de Dieu, et s’il n’y a point de foi sans la grâce, quelle sera la valeur et l’efficacité de l’effort que fait un homme pour convertir d’autres hommes, alors que cet homme ne dispose pas de la grâce divine ? La réponse de Pascal est d’une admirable netteté : la foi est un don de Dieu, c’est l’inspi ration divine qui fait le vrai chrétien ; mais l’homme n’est pas une créature de pur sentiment ; outre le cœur il y a en lui un corps et un esprit, il faut que la foi pénètre l’es prit et le corps. C’est la coutume qui plie la machine ; mais la coutume suppose avant elle la raison ; autrement elle est vide de sens, elle n’est que superstition. Pascal, qui s’acquittait de ses devoirs religieux avec l’extrême rigueur que l’on sait, condamne celui qui ne met son espérance qu’en de vaines formalités. La raison a besoin d’être satisfaite ; il faut avoir soif des vérités spirituelles, et travailler de la pensée pour se rendre compte par soi-même et se convaincre de ce qu’il faut croire. Mais, si c’est un excès d’exclure la raison, c’en est un autre de n’admettre que la raison. La raison, suivant Pascal, n’est pas une fin en soi ; elle est un moyen. La raison n’est pas une faculté de principe : elle est ployable en tout sens, car le raisonnement se suspend avec la même facilité à toute espèce de prémisses. L’étude de la géométrie et l’expérience du monde attestent également aux yeux de Pascal que les principes sont dus à une intuition immédiate qui est ce qu’il y a de plus profond et de plus sûr en nous : c’est le cœur qui voit les trois dimensions de l’espace ; puis, étant donné qu’il y a trois dimensions, le géomètre démontre les théorèmes qui établissent les propriétés de cet espace. Dès lors il est conforme à la véritable nature de la raison, il est essentielle ment raisonnable que la raison se soumette : elle n’a de valeur que si elle se fonde sur le sentiment pour s’achever dans le sentiment. Le rôle du raisonnement est donc nettement limité : dans l’ordre des choses naturelles, a fortiori quand il