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misère de sa condition, cette misère n’en est pas moins véritable : il faut qu’il meure. Celui-là qui le ramène à la pensée de la mort, celui-là le ramène à lui-même, il lui fait envisager son intérêt le plus profond, et c’est ce qu’il doit comprendre d’abord. Pour avoir prise sur l’incrédule, il ne faut se servir ni d’injures qui rebutent, ni de menaces qui irritent ; il faut s’unir avec lui de volonté, plaindre avec lui sa destinée et le tourner du dedans par cette communauté de pensée vers la religion qui lui apparaîtra vénérable, parce qu’elle aura connu sa misère, aimable, parce qu’elle y aura promis un remède. L’athée fait le brave contre Dieu, mais cette présomption n’est que lâcheté ; il se dit indépendant, parce qu’il refuse de s’examiner ; en réalité, il a peur de se regarder. Ouvrez-lui les yeux, montrez-lui la mort, inévitable, voisine déjà, et faisant sentir son approche par cet horrible et perpétuel « écoulement » de tout ce qu’on possède, la mort qui nous tire solitaire de notre humanité pour nous transporter au tribunal de Dieu. Devant cette éternité qui s’ouvre tout à coup pour eux, qu’ont-ils à dire, les athées ? qu’il faut rester indifférent ? ne serait-ce point le comble de l’absurdité et de l’extravagance, alors qu’on prend tant de souci pour les petites choses, de ne point se poser le problème capital qui décidera de la béatitude ou de la damnation éternelle ? Prendra-t-on parti ? La raison affirmera que la religion est incompréhensible, soit ; mais comment conclure de là que la religion n’est pas vraie ? La nature ne dément-elle pas toujours les assertions présomptueuses de la raison ? ne triomphe-t-elle pas des impossibilités prétendues ? et les mathématiques, qui sont les sciences rationnelles par excellence, ne nous forcent-elles pas à reconnaître l’existence d’un infini, dont la nature est pourtant inconcevable à la raison ? Mais il n’y a nulle lumière dans la religion, soit encore ; supposons départ et d’autre égale obscurité ; « les lumières naturelles » fourniront encore à l’homme un moyen de se retrouver et de se tracer un chemin. Qu’il ait d’abord renoncé à la double présomption de la rai son et de l’ amour-propre : qu’il comprenne que les seules ressources de son esprit ne suffisent point à trancher les ques tions qui sont hors de la portée humaine, qu’il ne mesure point sa destinée d’après ia règle trompeuse que lui fournissent ses passions d’un jour ; et il verra qu’il y a pour lui,