Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/268

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cendance. Et cette condescendance serait de tirer de la même personne un jugement plus particulier de l’écrit de M. Pascal qui ne m’apprit pas seulement qu’il contient bien des choses admirables mais qui me donnât plus de lumière pour les dis cerner. Car, pour vous dire la vérité, j’ai eu jusques ici quelque chose de ce méchant signe. J’y ai bien trouvé un grand nombre de pierres assez bien taillées et capables d’orner un grand bâti ment, mais le reste ne m’a paru que des matériaux confus, sans que je visse assez l’usage qu’il en voulait faire. Il y a même quelques sentiments qui ne paraissent pas tout à fait exacts et qui ressemblent à des pensées hasardées que l’on écrit seulement pour les examiner avec plus de soin.

Ce qu’il dit, par exemple, titre XXV, i5, que le titre par lequel les hommes possèdent leur bien n’est, dans son origine, que fantaisie, ne conclut rien de ce qu’il en veut conclure, qui est la faiblesse de l’homme et que nous ne possédons notre bien que sur un titre de fantaisie. Car il n’y a nulle faiblesse à établir des lois de fantaisie dans les choses indifférentes qui demandent à être réglées seulement de manière ou d’autre, et à ne demeurer pas incertaines : et quand on possède du bien sur un titre de cette sorte, on le possède avec une vraie et solide justice, parce qu’il est juste selon Dieu et dans la vérité que le bien appartienne à ceux à qui il est donné par des lois in différentes dans leur origine ; il n’y a nulle faiblesse en cela.

Ce qu’il dit au même endroit n° 17 touchant les principes actuels me semble trop général. Nous nous aimons naturelle ment, c’est-à-dire notre corps, notre âme et notre être. Nous aimons tout ce qui est naturellement joint à ces premiers objets de notre amour, comme le plaisir, la vie, l’estime, la grandeur. Nous haïssons tout ce qui y est contraire, comme la douleur, la mort, l’infamie : la bizarrerie des coutumes n’a lieu que dans les choses qui ne sont pas naturellement liées avec ces premiers objets de nos passions.

Il suppose dans tout le discours du divertissement ou de la misère de l’homme, que l’ennui vient de ce que l’on se voit, de ce que l’on pense à soi et que le bien du divertissement consiste en ce qu’il nous ôte cette pensée. Cela est peut-être plus subtil que solide. Mille personnes s’ennuient sans penser à eux. Ils s’ennuient, non de ce qu’ils pensent, mais de ce qu’ils ne pensent pas assez. Le plaisir de l’âme consiste à penser vive-