Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/250

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raison pour ne pas s’y soumettre. Car, après tout, y a-t-il quelqu’un assez hardi entre les hommes pour soutenir que Dieu ait dû faire quelque chose de plus que ce qu’il a fait, et pour se croire en droit, plutôt qu’un autre, de lui deman der un miracle en son particulier, au moindre doute que son cœur lui suggérera ? ou, s’ils n’ont pas plus de privilège pour cela les uns que les autres, faut-il qu’il se rende visible à tous les hommes, et qu’il vienne tous les jours se présenter à leurs yeux comme le soleil ? Et quand il le ferait, que savent-ils s’ils n’en douteraient point encore toutes les nuits ; puisqu’enhn, s’ils n’en ont des marques aussi sensibles, ils en ont au moins d’aussi grandes et d’aussi certaines aux quelles ils résistent, comme l’accomplissement des prophéties qui est un miracle permanent, et que jusqu’à la fin du monde tous les hommes pourront voir de leurs propres yeux et toutes les fois qu’il leur plaira.

Mais la vérité est que ce n’est point le manque de preuves qui les arrête : ce n’est que leur négligence à s’éclaircir, et la dureté de leur cœur ; et c’est ce qui fera que, quoiqu’il n’ait rien paru jusqu’ici de plus propre à tirer les gens de cet assoupissement que les écrits de M. Pascal, il est cependant comme assuré qu’il n’y en aura que très peu qui en profite ront, et qu’à en juger par l’événement, ce ne sera que pour les vrais chrétiens qu’il aura travaillé, en s’elïbrçant de prouver la vérité de leur religion. Je dis ceci sans aucun égard à la nécessité de l’inspiration de la foi pour croire avec utilité, car les hommes n’y peuvent rien. Je parle seulement de la créance que la raison peut et doit donner ; et c’est à quoi on ne voit guère moins de difficulté, quand on consi dère comment les hommes sont faits, et ce qui les occupe dans le monde.

Les uns s’appliquent aux connaissances, aux recherches de l’esprit, à l’étude de la nature ; et les autres ne songent pro prement à rien, et donnent toute leur vie aux affaires, aux plaisirs et à la vanité. Pour ceux-ci, qui font sans doute le plus grand nombre, et même le plus considérable, il est aisé de voir combien il y en aura peu qui emploient seulement quelques moments à la lecture de ce recueil ; et parmi ceux là combien po- : sont capables de l’en tendre et d’en être louches ! Combien il est difficile de iaire entrer dans des