Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/245

Cette page n’a pas encore été corrigée

donné de tout le reste ; il l’a fait trembler aux approches de la mort, qu’il a soufferte en public, et comme un criminel : par où pouvait-il mieux le déguiser à ceux qui n’ont de goût que pour la grandeur humaine, et qui sont sans yeux pour la véritable sagesse ?

Mais aussi il lui a fait commander à la mer et aux vents, à la mort et aux démons ; il lui a fait lire dans l’esprit de ceux qui lui parlaient ; il a répandu son esprit sur lui, et lui a mis à la bouche des choses qui ne pouvaient venir que d’un Dieu ; il lui a fait parler de celles du ciel d’une manière qui surpasse infiniment tous les hommes ; il a voulu qu’il leur apprît l’état de leur cœur, et par où ils pouvaient sortir de leurs misères ; il l’a fait vivre sans la moindre ombre de péché, en sorte que ses plus cruels ennemis n’ont pas seule ment trouvé de quoi l’accuser ; il lui a fait prédire sa mort et sa résurrection, et il l’a tiré du tombeau. Qu’y avait-il de plus propre à l’empêcher d’être méconnu de ceux qui aiment la véritable grandeur et la véritable sagesse ? Enfin, parce que tout l’univers et tous les temps y avaient part, et aux mêmes conditions d’obscurité pour les uns, et de clarté pour les autres, il a voulu que son histoire ne fût écrite que par ses disciples, pour la rendre suspecte à ceux qui cherchent à se tromper ; et qu’elle fût tout ensemble la plus indubitable de toutes les histoires, afin qu’ils fussent inexcusables.

Car en un mot, et sans entrer dans ce champ, infini, si elle n’est pas véritable, il faut que les apôtres aient été trompés, ou qu’ils aient été des fourbes ; et l’un et l’autre sont égale ment insoutenables. Comment se pourrait-il qu’ils eussent été abusés, eux qui non seulement se disent témoins de tous les prodiges de la vie de Jésus-Christ, mais qui croyaient même avoir reçu le don d’en faire de semblables ? Pouvaient ils se tromper à savoir s’ils guérissaient eux-mêmes les mala dies et s’ils ressuscitaient les morts ? Et quelle autre marque eussent-ils pu demander pour s’assurer de cette vérité ? Mais si Jésus-Christ leur en avait fait accroire pendant sa vie, comment ne se sont-ils pas désabusés, après l’avoir vu mourir, puisqu’ils le croyaient véritablement Dieu, c’est-à-dire, maître de la mort et de la vie ? Car pour les disciples de Mahomet, par exemple, qui ne s’est dit que prophète, il est aisé qu’ils aient demeuré dans l’erreur après sa mort, et il s’est bien