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dans la suite, tout ce grand mystère se développe insensiblement et lui paraît presque à découvert.

Il voit premièrement que dès qu’il est parlé de la chute d’Adam, il est dit au serpent qu’il naîtra de la femme de quoi lui écraser la tête, et il trouve là-dedans comme les premiers traits et une promesse obscure de ce libérateur attendu par les Juifs. Il remarque dans la suite que cette même chose qu’il avait à peine inaperçue, va toujours en s’éclaircissant, jusque-là qu’elle prend enfin le dessus et devient le centre où tout aboutit ; car il voit incontinent après que cette promesse est faite beaucoup plus clairement à Abraham et qu’elle est encore réitérée à Jacob, avec assurance que toutes les nations de la terre seront bénies en leur postérité, dont ce libérateur naîtra. Puis il rencontre toute la nation juive imbue de cette espérance, et attendant de la race de Juda ce grand roi qui devait les combler de bien et les rendre maîtres de tous leurs ennemis. David vient ensuite qui compose tous les Psaumes, cet ouvrage admirable, en vue de ce Messie, et soupire sans cesse après lui. Enfin arrivent les prophètes, qui tous unanimement publient que Dieu va accomplir ce qu’il a promis, que son peuple va ètre délivré de ses péchés, et que ceux qui languissaient dans les ténèbres vont sortir à la lumière. Il lui paraît encore clairement que le ciel et la terre doivent concourir à la production de cet homme extraordinaire, lorsqu’il voit un de ces prophètes s’écrier : «  Que la rosée découle

du plus haut des cieux et que le juste tombe comme une pluie du sein des nuées, que la terre s’ouvre et qu’elle conçoive et produise le Sauveur.

»

Il admire là-dessus les noms qu’ils ont

donnés à cet homme, de Roi éternel, de Prince de paix, de Père du siècle futur, de Dieu. Il remarque même que les conquêtes de Cyrus, d’Alexandre, des Romains et tout ce qui se passe de grand dans le monde, ne sert qu’à mettre l’univers dans l’état où il est dit qu’il sera à sa venue. Enfin, il voit les Juifs répandus par toute la terre, y porter avec eux les livres qui contenaient ces promesses faites à tous les hommes, comme pour leur mettre entre les mains autant de titres incontestables de la part qu’ils y avaient. Que peut-il donc conclure de tout cela, sinon que ce libérateur promis ne saurait être ce conquérant attendu par les Juifs, qui n’aurait été que pour eux ; que ces biens qu’il doit donner et ces ennemis