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garderaient véritablement cette loi, semblent n’être que pour les chrétiens qui ont embrassé cet intérieur, et qu’il n’y a que misère et malédiction pour les Juifs qui demeurent attachés à cette écorce et qui sont plus exacts et plus [idoles que jamais dans tous leurs devoirs ? Par quelle destinée enfin, par quelle rencontre des étoiles, la religion de cet homme si indignement traité par les Juifs, qu’on l’ait voir n’être effectivement que la leur, se trouve-t-elle si opiniâtrement rejetée par eux, embrassée par les autres nations et répandue par tout l’uni vers ? et quelle peut être cette force invisible, qui depuis seize siècles, conservant ce peuple, sans chef, sans armes, sans pays, les oblige en même temps de garder avec tant d’exac titude les livres qui les déclarent rebelles à Dieu et qui sont des preuves incontestables pour les chrétiens, qu’ils regardent comme leurs plus grands ennemis ?

En vérité, il n’y a guère de têtes que le dessein d’ajuster tant de hasards ne fît tourner ; et pour en épargner la peine à ceux qui voudraient l’essayer, on veut bien les avertir que quand ils seraient venus à bout d’aplanir cet abîme de dilïi- : cultes, ils n’auraient encore rien fait et les preuves de notre religion n’auraient pas reçu la moindre atteinte ; car il fau drait qu’ils nous montrassent de plus que tout cela a été très facile à Moïse et aux prophètes qui ont marché sur ses traces, de deviner, si longtemps avant qu’elles arrivassent, tant de choses générales et particulières ; la venue de Jésus Christ, la conversion des Gentils, la ruine du peuple juif et l’état où il est ; et cela jusqu’à en marquer le temps et les circonstances. C’est là véritablement que toutes les supposi tions demeurent court et qu’il est inutile de se donner la gêne à faire des conjectures. Les hommes ne sont point pro phètes par des voies naturelles ; et comme la nature ne leur est point soumise pour faire des miracles, l’avenir ne leur est point ouvert pour en faire une histoire par avance, comme on pouvait voir dans Daniel, dès le temps deNabuchodonosor, celle du changement des monarchies, celle des successeurs d’Alexandre et les années qui restaient jusqu’à la naissance du Messie.

Ce n’est point non plus par un art humain ni par hasard que plusieurs prophètes, et surtout Isaïe, ont parle de Jésus Christ si clairement et décrit tant de circonstances particu-