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PRÉPARATION DE L’ÉDITION PRINCEPS

La situation est favorable, elle est encore délicate. Les jansénistes se sont engagés à ne rien faire qui pût troubler la paix nouvelle ; or l’esprit qui animait Pascal au moment de sa mort est un esprit de lutte, de résistance absolue ; les fragments posthumes révèlent l’exaltation croissante de Pascal contre les faux chrétiens qui ont corrompu l’Église ; si Pascal avait pu achever l’Apologie de la Religion chrétienne, elle eût été plus « forte » contre les jésuites que les Provinciales l’avaient été[1].

Ces dispositions ne sont plus celles où se trouve Arnauld en 1668 ; elles n’ont jamais été exactement les siennes. La dernière année de la vie de Pascal a été attristée par la profonde douleur d’un dissentiment avec ses amis de Port-Royal ; l’occasion peut en paraître légère, il s’agissait de rédiger le texte d’un Formulaire à signer ; mais ce fut en réalité un déchirement intime : la conscience, religieuse était touchée en son point le plus délicat ; ce fut la guerre civile de Port-Royal, pour parler avec Racine. Bien plus, et malgré les prévenances touchantes de Nicole et d’Arnauld au cours de la dernière maladie de Pascal, le débat se prolongeait dans une sorte de querelle posthume qui devait être des plus pénibles à la famille et aux amis de Pascal. Pascal avait fait confession à M. Beurrier, curé de Saint-Étienne-du-Mont, sa paroisse, des difficultés qui avaient surgi entre lui et Arnauld ; d’où M. Beurrier avait conclu que Pascal s’était rétracté en mourant et qu’il avait abandonné le jansénisme. Le Père Annat utilisa le prétendu fait dans sa polémique contre Port-Royal, l’archevêque de Paris s’en fit donner une

  1. Cf. Maurice Souriau, Le Jansénisme des Pensées de Pascal, Revue internationale de l’enseignement, 15 nov. 1896.