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PRÉPARATION DE L’ÉDITION PRINCEPS

projet. M. de Roannez, soutenu sans doute par ceux qui avaient assisté à la conférence de Port-Royal où Pascal avait longuement et méthodiquement développé son « projet d’Apologie », rêvait « d’éclaircir les pensées obscures, d’achever celles qui étaient imparfaites ; et, en prenant dans tous ces fragments le dessein de l’auteur, de suppléer en quelque sorte l’ouvrage qu’il voulait faire. Cette voie, continue Étienne Périer, eût été assurément la meilleure, mais il était difficile de la bien exécuter. L’on s’y est néanmoins arrêté assez longtemps, et l’on avait en effet commencé d’y travailler ».

Les difficultés matérielles que devait soulever la publication des fragments de Pascal étaient peu de chose d’ailleurs en comparaison des difficultés internes. Pascal était mort au plus fort de la lutte de Port-Royal contre ses ennemis, au plus fort aussi de la lutte de Port-Royal contre lui-même. On ne saurait apprécier avec équité, on ne saurait expliquer la première édition des Pensées, si l’on ne commence par avoir égard à l’histoire de Port Royal. Depuis l’Assemblée générale du clergé qui aux derniers jours de 1660 reprend le Formulaire pour le mettre en vigueur jusqu’à l’avènement de Clément IX qui en juillet 1667 change soudain la face des choses, il n’y a point de relâche aux persécutions. Les religieuses sont dispersées, soumises à un régime de surveillance et à des tentatives de pression qui sont pour leur conscience une menace perpétuelle ; les solitaires, inquiets, sont en fuite. La publication eût-elle été matériellement possible qu’elle eût été inopportune : en réveillant les polémiques des Provinciales elle eût porté atteinte à l’autorité religieuse, à l’efficacité morale de l’Apologie.

En 1668, la paix de l’Église est signée : Arnauld est reçu par le Roi, Port-Royal des Champs est reconstitué.