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de sa vie, l’acte de libération se renouvelle. L’œuvre du salut s’accomplit dans la crainte et dans le tremblement parce qu’il ne dépend pas de notre volonté qu’en nous la puissance divine du Médiateur maintienne la vertu purificatrice de la charité. En définitive la charité ne vient pas de nous, ni quand elle nous détourne de nous pour faire que nous nous haïssions, ni quand elle s’attache à Dieu pour faire que nous l’aimions. La Croix n’est pas un symbole, il n’y a pas à chercher une interprétation spirituelle qui atténue, et compromette, la vérité du dogme. Ce que Jésus fait entendre à celui qui médite le mystère de son sacrifice, est exact à la lettre : « Je pensais à toi dans mon agonie, j’ai versé telles gouttes de sang pour toi[1]. » Le sang de Jésus a fait pénétrer dans l’homme une seconde nature, étrangère à son humanité, un « sujet différent », comme il est dit dans l’Entretien avec M. de Saci, et qui seul a la capacité de la grandeur et de la sainteté : « Je te suis présent par ma parole dans l’Écriture, par mon esprit dans l’Église et par les inspirations, par ma puissance dans les prêtres, par ma prière dans les fidèles. »

Le Médiateur n’unit pas l’homme à Dieu, mais il se substitue à l’homme pour rendre la créature digne de Dieu. Jésus, c’est la causalité de Dieu dans l’homme ; à Dieu seul l’initiative de désirer Dieu, la puissance de le conquérir. « Tout pour lui, tout par lui. » De le chercher c’est le signe qu’on le possède : « il sera donné à ceux qui ont déjà[2]. » Après avoir fait que l’homme est mort à l’humanité, la grâce fait surgir de cette mort la joie nouvelle : semblable à la mère qui se fait silencieuse pour sentir les mouvements du fils qui tressaille en elle,

  1. Fr. 553.
  2. Lettres à Mademoiselle de Roannez, III ; olim 5.